Article de l'équipe du jour sur Karl Toko Ekambi relancé notamment par le FC Gobelins et Namori Keita avec l'intervention de Nicolas Ducteil son ami :


Le buteur camerounais, principal atout d'Angers dans la course au maintien, reste très attaché au XIIIe arrondissement de Paris, son quartier d'origine.
ANGERS. - Le garçon sait faire simple et direct. Au bout d'une demi-heure d'interview, Karl Toko Ekambi cueille son interlocuteur comme un défenseur qui aurait mal anticipé : « À quoi j'aspire ? Là, à rentrer chez moi. »Chez lui, c'est aujourd'hui à Angers, avec femme et enfant. Mais il rentre aussi très souvent dans son vrai chez lui, le XIIIe arrondissement parisien, tout près de la porte d'Ivry. Là où vivent sa famille et ses amis. Les mêmes depuis vingt ans.« Aujourd'hui, il y en a qui font du rap et d'autres qui font du foot », sourit Nicolas Ducteil, lui-même devenu animateur sportif au FC Gobelins, un club situé dans son quartier d'origine. Karl Toko Ekambi a un temps donné dans les deux domaines, avec un certain talent paraît-il. « Le rap, c'est une page qui est tournée, je n'ai pas envie d'en parler, ça ne sert à rien », évacue l'intéressé.
Aussi prestement qu'il avait repoussé le football, à l'adolescence, alors que ses copains le voyaient déjà professionnel. Lui avait mal vécu la descente d'une division des moins de 16 ans nationaux de son club, le Paris FC, et souffrait d'un genou « mal soigné ». « J'ai ensuite décroché, tout simplement. Je suis passé au foot en salle avec mes potes du quartier, deux fois par semaine à Marcel-Cerdan (un gymnase du XIIIe arrondissement). »

« Il était si rapide. Il avait quelque chose de plus, et on lui disait qu'il n'avait rien à faire avec nous », se souvient Ducteil. Très vite Namori Keita, entraîneur au FC Gobelins, vient toquer à la porte de l'appartement familial. « Il avait dix-sept ans, j'ai eu une discussion avec sa mère, qui répondait : "Je ne veux pas, je préfère qu'il se concentre sur l'école." J'ai fini par la convaincre en me portant garant de lui. »

« J'ai eu une vie à côté du foot, je ne suis pas né dans le foot, dans un centre de formation. J'avais ma petite vie avec mes amis, tranquille »

À l'époque, Toko Ekambi poursuit sa scolarité dans un internat de l'Eure, loin des tentations du XIIIe. Il ne participe qu'à un entraînement par semaine, le vendredi, mais il est évidemment titulaire chaque week-end. « Parfois, il est aussi resté sur le banc parce qu'il n'était pas venu à la séance du vendredi, rectifie Keita. L'idée, ici, c'est de bâtir des hommes responsables avant de fabriquer des footballeurs et, parfois, pour être juste, il faut être un peu dur. Ici, il avait ses copains et il a repris goût au foot. »

Keita l'a ensuite incité à retourner au Paris FC, quatre arrêts de tram plus loin. « J'étais passé à autre chose, j'étais heureux, se souvient "KTE". Et puis mon coach, qui connaissait le coach du Paris FC, m'a fait retourner là-bas. Cette fois, ça s'est très bien passé.... En fait, cet arrêt m'a fait du bien. Dans ma tête, j'ai toujours été "frais" en quelque sorte. J'ai eu une vie à côté du foot, je ne suis pas né dans le foot, dans un centre de formation. J'avais ma petite vie avec mes amis, tranquille. Je n'étais pas "bloqué", j'étais libre. Le foot c'était un plus. »

Lors de son second passage au PFC (2010-2014), il emporte tout. Réalise une belle campagne de Coupe Gambardella, intègre l'équipe première, en National. Alain Mboma, alors entraîneur du PFC, explique : « Il a commencé beaucoup de matches sur le banc jusqu'à un déplacement à Niort (le 21 octobre 2011). On gagne 2-0, il met un but et donne une passe décisive. Sa grande force, c'était la vitesse, bien sûr. Mais aussi le fait de ne pas se poser de question. Il se moquait de savoir qui était le défenseur en face ou qui était son partenaire... »
Karl Toko Ekambi monte en grade.
Le passage chez les pros au Paris FC coûte à « KTE » son bac S. « J'avais des capacités, mais, pour être honnête, je n'aimais pas l'école. Je ne me projetais pas du tout. Je n'aurais pas été ingénieur. » Quand son ascension au PFC suscite l'intérêt de plusieurs clubs de L 2, il choisit Sochaux comme il optera ensuite pour Angers : parce qu'il le sent comme ça. « Je marche à la confiance, à la parole surtout. Quand les gens sont droits et te disent la vérité, tu les écoutes, tu leur fais confiance, jusqu'au bout. Et on fait les choses ensemble. »Dans le Doubs (2014-2016), il prend une nouvelle dimension, devenant même international camerounais (il cumule aujourd'hui 17 sélections, pour 2 buts). « J'ai été bluffé par son évolution là-bas, reconnaît Alain Mboma. Quand il est arrivé à Angers (2016), son sens du déplacement s'était aiguisé. Il est vraiment dans cette logique de progression. Chez nous, une fois qu'il avait touché à un certain niveau, il fallait qu'il voie autre chose. Ç'a été la même chose à Sochaux et j'ai l'impression qu'il en est arrivé là aussi à Angers, où il a encore pris une autre dimension. »

Cet hiver, Toko Ekambi a vu tourner des offres d'emploi venues notamment d'Angleterre (Brighton était prêt à payer 12 M€ pour l'enrôler). L'attaquant a décliné : « On a une mission en cours, on va essayer de la terminer », dit-il aujourd'hui. Le doublé réussi le week-end dernier à Lille (2-1) a rappelé combien le SCO (17e avant la 28e journée) reste dépendant de lui. « Sans lui, nous serions en très grande difficulté »,reconnaît son coach, Stéphane Moulin. Parmi les dix meilleurs buteurs de la L 1, Toko Ekambi est le seul à jouer le maintien.
Karl Toko-Ekambi permet à Angers de couler le LOSC
Il pointe à une unité de son record en National et en Ligue 2 (14). Pour le dépasser, il compte sur son entourage, sur sa rigueur aussi et, depuis quelques mois, sur un préparateur physique (Lakhdar Benaboura) qu'il connaît « depuis tout petit ». « Je pense qu'il faut être organisé dans sa vie pour être organisé sur le terrain. Depuis que je me suis remis à fond dans le foot pro, je suis assez casanier. Je vais rarement au ciné ou au resto. J'ai beaucoup été dehors quand j'étais jeune... On ne maîtrise pas ce qu'il y a dehors, on maîtrise ce qu'il y a chez soi, alors je préfère rester chez moi. »
Il n'est certainement pas l'Angevin le plus déstabilisé par le mauvais classement du club en L 1. « Je ne vais pas pleurer parce que je perds un match ou je rate un but, alors qu'il y en a qui souffrent dans leur travail et tout le reste. Non, je rentre chez moi, je vois ma femme, je vois mon fils, et ça y est, c'est passé. On peut être énervé, frustré, mais ça ne dure pas dix ans. » À vingt-cinq ans, il s'avance plus fort que jamais vers le contrat qui fait basculer une carrière, l'été prochain (il est lié au SCO jusqu'en juin 2020). Tranquille : « Je fais mon petit chemin, je profite au maximum, on verra où ça va me mener. »